Les apports de l'avant projet CATALA en matiere précontractuelle
Les apports de l'avant projet de réforme du droit des obligations en matière
précontractuelle :
Je prépare l'IEJ et il est bon de savoir a peu près ce que peut dire cet avant
projet de réforme du droit des obligations (les intimes l'appellent aussi 'le
projet Catala' ou 'l'avant projet
Catala'). Pour les personnes
qui n'y connaissent rien en droit des obligations, le droit des obligations
c'est les briques de LEGO du droit, du droit des contrats. La partie du code
civil relative au droit des obligations a très peu été modifiée depuis 1804 par
rapport à la partie du droit de la famille par exemple.
Politiquement, faut croire que le droit pénal, le séjour des étrangers et le
droit de la famille c'est plus tendance que le droit des contrats.
Cependant, le code civil, en matière de droit des obligations, se
faisait vieillissant. Par exemple, le code civil ne contenait rien sur la
négociation, l'obligation d'information... alors que les projets de code civil
européen LANDO, ou
Gandolfi, sont
beaucoup plus riches.
C'est ainsi que notre Président de la République a confié en 2004 à Pierre
CATALA le soin de réformer la matière du droit des
obligations du code civil de 1804.
Selon les rédacteurs, le projet
CATALA aurait plusieurs sources : la doctrine, la jurisprudence française (codification
de certaines solutions jurisprudentielles), les projets d’harmonisation
européenne et internationale du droit des contrats tels que l'avant-projet de
code européen des contrats, le groupe Gandolfi, les principes du droit européen
du contrat, les principes Unidroit...
Enfin ce que ne disent pas officiellement les
rédacteurs du projet, c'est que cet avant projet de réforme est surtout destiné
à barrer la route à tout projet d'harmonisation européenne du droit des
obligations (Ainsi, en matière de responsabilité, les rédacteurs ont apporté
des solutions difficilement conciliables avec les autres droits européens).
C'est un peu une façon de dire que le code civil français s'est formé par
l'histoire d'un peuple et qu'on ne veut pas d'une harmonisation européenne. Ou
sinon, il s'agit de dire : 'Ne vous inquiétez pas pour des questions de code
civil européen, car nous les français, on vient de rénover le notre, nous
n'avons pas besoin d'un code LANDO ou d'un code gandolfi'.
A mon avis, quelques soit les motivations profondes de cet avant projet, je
pense qu'il faut saluer l'initiative. Ce n’est pas tous les jours qu'on a un
projet de réforme de code civil.
Je vais m'intéresser, en tant que misérable étudiant de droit, à ce qu'apporte
cet avant projet en matière précontractuelle. (Je me ferais peut être une fiche
pour ce qui est de la responsabilité).
L'avant projet Catala
met la période précontractuelle du contrat à ses articles 1104 à 1107. Ces
règles sont dans un chapitre "Dispositions générales" du sous
titre "du contrat et des obligations conventionnelles en général". Je
pense que la période précontractuelle aurait mérité une place plus
importante : les longues périodes de négociations sont reléguées dans une
partie intitulée "Dispositions générales", c'est mesquin.
Je vais faire 2 parties avec des petits tirets et des flèches (pour éviter les
phrases pompeuses).
I. Ce qu'apporte le projet en matière de négociations précontractuelles (offre
et acceptation)
II. Ce qu'apporte le projet en matière d'avant contrat (Accords de principe,
promesse unilatérale, pacte de préférence)
I. Les apports gigantissimes de l'avant projet
Catala en matière de négociations précontractuelles
-En droit positif, L'offre est un acte
unilatéral efficace. Elle est révocable. Mais
si l'offrant retire son offre brutalement, il engage sa responsabilité
délictuelle et est condamné à verser des dommages et intérêts au destinataire
de l’offre.
-L'avant projet
Catala va
distinguer 2 situations. (Le projet Catala
reprend la thèse de J-L AUBERT).
*Si l'offre est faite à une personne déterminée ET pendant un délai déterminé,
la révocation de l’offrant, intervenant pendant le délai durant lequel ce
dernier s’est engagé à maintenir son offre, ne peut pas empêcher la formation
du contrat, elle est sans effet.
*Si l'offre est faite sans délai et/ou sans personne déterminée, dans ce cas,
L'offrant ne devra verser des Dommages-Intérêts que si la révocation de l'offre
a été brutale, faite de mauvaise foi... etc. On retombe alors dans les
solutions traditionnelles du droit positif.
- L'avant projet précise que le décès ou l’incapacité de l’offrant n'empêche
pas la formation du contrat (Mais l'avant projet ne fait que reprendre une
solution déjà acquise par la Cour de cassation : 3e ch. civ. du 10 décembre
1997).
- L'avant projet dit que le silence ne vaut pas acceptation (En droit allemand,
il me semble que c'est le contraire), sauf s'il existe des usages
professionnels spéciaux.
-L'avant projet se prononce en faveur de la théorie de la réception. La théorie de la réception consiste à dire que le contrat est formé à la réception
de l'acceptation par l'offrant. Or il aurait -peut être- semblé, selon certains
auteurs, que la Cour de cassation -se serait- prononcée en faveur de la théorie
de l'émission (oui, j'ai a peine utilisé le conditionnel).
- Selon l’article 1104 de l'avant projet, la mauvaise
foi ou la faute engage la responsabilité des futurs contractants. Mais
la responsabilité des négociateurs ne peut être pas engagée par la simple rupture des
pourparlers. Même si un des négociateurs a subi un dommage, seule la mauvaise
foi ou la faute pourra engager leur responsabilité.
II. Les apports colossaux de l'avant projet Catala en matière de contrats préparatoires
A. L'intégration des accords de
principes dans le code civil
- A la frontière de l’avant
contrat, les accords de principe font leur entrée dans le code à l’article
1104-1. L’avant projet parle
"d'accords de principe". En réalité, l'avant projet désigne par ce
terme l'ensemble des contrats de négociations et pas seulement les accords de
principe.
(En théorie les accords de principes sont
seulement des accords intervenus en cours de négociations, ou les parties
fixent les questions essentielles sur lesquelles leur consentement est en
principe acquis et conviennent de discuter les points ou il n’y a pas encore eu
d’accord).
- Le régime de ces accords de
principe, est soumis aux dispositions relatives aux négociations : la mauvaise
foi ou la faute engage la responsabilité des futurs contractants.
B. La promesse unilatérale et le pacte de préférence :
Superman return's
1) La promesse unilatérale
- La définition de la promesse
unilatérale est à l’article 1106 de l'avant projet :
- Promesse unilatérale = contrat
par lequel, une partie promet à une autre, qui en accepte le principe, de lui
donner l’exclusivité pour la conclusion du contrat, dont les éléments
essentiels sont déterminés, mais pour la formation duquel fait seulement défaut
le consentement du bénéficiaire.
- En droit positif, dans le
ciel bleu de la promesse unilatérale, un coup de tonnerre a éclaté le 15
décembre 1993 (l’arrêt Godard).
En effet, la troisième chambre civile de la Cour de cassation affirma que le bénéficiaire d'une promesse
unilatérale, qui lève son option pendant le délai contractuellement prévu, mais
postérieurement à la rétractation du promettant, ne pouvait pas obtenir
l'exécution forcée de la vente promise et devait se contenter de dommages
intérêts. La solution a été très critiquée par beaucoup d'auteurs car la
promesse unilatérale n’était plus considérée comme un contrat efficace.
- Mais le projet Catala corrige cette "erreur"
de la Cour de cassation.
- Le
projet catala dit que le promettant ne peut pas retirer son offre
avant le délai offert au bénéficiaire. La rétractation du promettant est
dépourvu d’efficacité. La sanction du contrat conclu avec un tiers pendant le
délai offert au bénéficiaire de la promesse est l’inopposabilité du contrat au
tiers.
- La sanction ne se limite donc
plus à des dommages intérêts mais autorise une exécution en nature. La
rétractation est dépourvue d’efficacité. Mais on peut remarquer que le projet
n’admet pas, pour autant, la substitution du bénéficiaire dans les droits du
tiers complice alors que la doctrine y était favorable.
2) le pacte de préférence
- La définition du pacte de
préférence dans le projet est à l’article 1106-1 :
- Pacte de préférence pour un
contrat futur = convention par laquelle celui qui reste libre de la conclure,
s’engage, pour le cas ou il s’y déciderait, à offrir par priorité au
bénéficiaire du pacte de traiter avec lui. Le promettant consent au
bénéficiaire une priorité quant à la conclusion d'un contrat futur, une fois
que ses éléments essentiels auront été déterminés.
- En droit positif, la Cour de cassation a décidé, le 30 avril 1997, que le bénéficiaire
d'un pacte de préférence ne pouvait pas être substitué dans les droits du tiers
de mauvaise foi qui a frauduleusement conclu, avec le promettant, le contrat
projeté, en violation du pacte. La sanction de la rétractation du promettant se
limite à de simples dommages intérêts au profit du bénéficiaire du pacte.
- Selon l’article 1107 du projet
CATALA, le promettant est tenu de porter à la connaissance du bénéficiaire
toute offre relative au contrat soumis à préférence.
- Dans cet avant projet, la sanction
de la violation du pacte de préférence est la même que pour la promesse
unilatérale : le contrat conclu avec un tiers est inopposable au
bénéficiaire de la préférence sous réserve des règles assurant la protection
des tiers de bonne foi.
- Le projet Catala redonne de l’efficacité a cet
avant contrat. L’exécution en nature retrouverait à s’appliquer. (Avis personnel
--> Le bénéficiaire malchanceux du pacte, pour obtenir une nullité du
contrat passé avec le tiers, n’aura plus à prouver que le tiers complice avait
connaissance du pacte et qu’il avait l’intention de passer outre (la connivence
frauduleuse) ; le bénéficiaire devra juste, a
priori, prouver que le tiers complice avait connaissance du pacte).
- Le projet CATALA n’admet pas clairement
la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers complice. Le projet Catala parle seulement d'inopposabilité.
La question à 100 000 000 euros est de savoir : si le fait de dire que le
pacte conclu avec un tiers est inopposable au bénéficiaire du pacte implique
t-il forcément la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers
complice. Mais dans ce cas, pourquoi faire des cachoteries ? Pourquoi le projet
n'a t-il pas dit clairement qu'il y avait substitution du bénéficiaire dans
les droits du tiers complice ?
- Enfin, il faut noter que la Cour de cassation vient de
rendre un arrêt important en matière de pacte de préférence (ch. Mixte, 26 mai
2006, Numéro de Pourvoi : 03-19376).
- Selon la Cour de cassation, le bénéficiaire d'un pacte
de préférence peut demander l'annulation du contrat passé avec un tiers en
méconnaissance de ses droits et obtenir sa substitution à l'acquéreur, SI
ce tiers a eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de
préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. A défaut, la
réalisation de la vente ne peut être ordonnée au profit du bénéficiaire du
pacte.
- Donc, en droit positif et pour ce qui est du pacte de préférence, la
substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers complice est désormais
possible en cas de collusion frauduleuse. Cependant la collusion frauduleuse
(c'est a dire la connaissance du pacte par le tiers et la connaissance par le
tiers que le bénéficiaire du pacte voulait utiliser le pacte) n'est pas une
preuve facile à apporter. A mon avis, malgrè cette solution récente de la cour
de cassation, les solutions proposées par le l'avant projet Catala conservent un intérêt.